What could go w̶r̶o̶n̶g̶ right by PF

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What could go right - #14 - La consommation d’eau à la maison

apocalypsepf.substack.com

What could go right - #14 - La consommation d’eau à la maison

Sep 22, 2022
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What could go right - #14 - La consommation d’eau à la maison

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Dans chaque édition, nous explorons les menaces qui pèsent sur le modèle économique d'une entreprise ou d'un secteur.

Face au stress hydrique que nous avons vécu ces dernières semaines, il nous semblait important de réfléchir à notre consommation d’eau avec le prisme du consommateur. L’exercice de Design Fiction que nous vous proposons de découvrir dans cette 14ème édition sur la consommation d’eau à la maison permet de questionner les usages, mais aussi la place des offres proposées par les entreprises, tous secteurs confondus. L’eau domestique n’est certes pas la première source de prélèvement - elle représente 10% de la consommation d’eau, environ 20% reviennent à l’industrie et 70% à l’agriculture - mais son usage est direct. C’est pour cela que nous allons nous concentrer, dans un premier temps, sur l’eau consommée au domicile.

Le Design Fiction s’appuie sur des tendances et controverses contemporaines et les extrapole afin de réfléchir à des manières d’anticiper les besoins futurs. Avec cet exercice, il ne s’agit donc pas de prédire l’avenir, mais d’imaginer plusieurs avenirs potentiels en projetant certains phénomènes pour venir nourrir notre réflexion sur l’innovation.

Nous débuterons par un rapide constat des enjeux actuels pour finir en 2050 dans un monde où notre rapport à l'eau est totalement modifié. À travers trois scénarios, nous vous proposons de nous interroger sur notre rapport à l'eau, son usage et les conséquences économiques qui en découlent. Bienvenue dans “What could go Wrong Right ?".

As it was

Le mois dernier, une centaine de communes françaises se sont retrouvées sans eau potable, uniquement ravitaillées par des camions citernes. Si nous avons l’habitude de voir des situations de sécheresse autour du bassin Méditerranéen depuis de nombreuses années, l’été 2022 a révélé des situations de stress hydrique sans précédent dans la quasi-totalité du pays. Au 19 août, 93 des 96 départements de l'Hexagone étaient concernés par le plan sécheresse, dont 77 en état de crise, le niveau de gravité le plus élevé. Au-delà des interdictions de consommation d’eau que nous avons vécues cet été autour d’usages non essentiels, le risque accru de stress hydrique pour les populations soulève une question bien plus large autour de notre rapport à l’eau comme ressource naturelle, ainsi qu’autour des usages liés à sa consommation.

Bad habits

Dans les pays développés, l’eau potable disponible à la maison est une ressource peu coûteuse, ce qui nous a permis d’adopter des habitudes de consommation généreuses.

En effet, son faible prix maintient la réduction de sa consommation à un statut souvent non-prioritaire pour les ménages et ralentit une transformation d’envergure pourtant nécessaire. De plus, la rareté à venir de l’eau fait peser l’ombre d’une augmentation de son prix à terme, alors même que d’après une étude du BRGM dans l’Hérault (Service géologique national), une augmentation forte des prix de l’eau aurait un impact négligeable sur les volumes consommés. Autrement dit, augmenter les prix ne suffira pas a nous prémunir du risque de stress hydrique à l’avenir.

Face cela, entreprises et gouvernements cherchent des solutions pour faciliter et accélérer l’adoption de nouvelles habitudes de consommation d’eau à la maison, plus responsables :

  • Pour le gouvernement, le plan d’action s’articule en deux volets : d’une part restrictif, avec des arrêtés limitant la consommation d’eau sur des périodes limitées dans le temps, en fonction du niveau de stress hydrique. D’autre part incitatif, avec des campagnes de sensibilisation visant à faire adopter des gestes plus vertueux.

  • Les entreprises, quant à elles, adressent encore très peu le besoin de réduire les volumes d’eau consommés à domicile. Pour le moment, l’innovation pour des produits tels que les machines à laver porte davantage sur les économies d’énergie (lavage à froid) plutôt que sur la réduction du volume d’eau nécessaire ou la refonte des systèmes de canalisations des habitations, qui permettraient de revoir l’intégralité du cycle de l’eau à la maison. Les quelques solutions existantes pour limiter la consommation d’eau du domicile font principalement appel à la prise de conscience des particuliers dans des cas d’usage précis : par exemple, grâce à un signal lumineux, le pommeau de douche Hydrao pousse le consommateur à réduire la durée de sa douche, tandis que les capteurs Inman coupent l’eau de la douche quand le consommateur s’en écarte.

La normalisation du stress hydrique extrême pourrait rebattre les cartes de ce secteur dans les années à venir, et nous pousser à aller bien plus loin en raisonnant à l’échelle de l’habitat entier, là où nous réfléchissons encore souvent de manière très localisée. Dans les paragraphes qui suivent, nous proposons un exercice d’analyse prospective, en parcourant plusieurs futurs possibles de 2025 à 2050.

Vegas

En 2025, la pénurie d’eau est si dramatique que l’eau du réseau devient un bien rationné à 50L par jour et par personne, incitant les particuliers à prendre de nouvelles habitudes pour réduire leur consommation d’eau. Les gestes d’économie d’eau sont désormais aussi enseignés dès le plus jeune âge à l’école.

L’usage de l’eau est désormais organisé en plusieurs catégories, y compris au sein du réseau de distribution : les eaux claires, les eaux grises et les eaux sales.

  • L’eau claire, celle du réseau, potable et de haute qualité, sert avant tout aux usages physiologiques (boisson, cuisine & alimentation, hygiène basique), et sa consommation est tolérée pour des usages dits de confort (hygiène corporelle, lessive & vaisselle) dans la limite de la consommation autorisée, soit 50L par jour et par personne. Au-delà, le débit d’eau baisse soudainement, limitant quasiment tous les usages à l’exception des besoins essentiels. L’usage de cette eau claire, très précieuse, est strictement interdit par la loi pour des activités de loisirs, et est extrêmement surveillé par les autorités.

  • Les eaux grises, qui sont issues d’un premier usage d’eau claire et ne sont pas raccordées au réseau primaire, sont filtrées et alimentent le réseau secondaire de la maison, qui sert aux besoins ne nécessitant pas une eau potable de parfaite qualité, comme les sanitaires, l’entretien du logement, du jardin ou de la voiture. Les particuliers commencent d’ailleurs à équiper leurs foyers de moyens de réutilisation de ces eaux, en tenant compte de leur niveau de saleté pour l’adapter à l’usage. Ce réseau secondaire est complété par un réseau de collecte d’eau de pluie : les ventes de collecteurs et de réservoirs ont d’ailleurs ont explosé chez les distributeurs de matériaux de construction et de bricolage comme Leroy Merlin. Ces collecteurs & réservoirs commencent à modifier radicalement les paysages urbains.

  • Les eaux grises qui n’ont plus le niveau de qualité suffisant pour être réutilisées deviennent des eaux sales ; elles sont évacuées du foyer dans le réseau de la ville et reviennent dans un premier temps aux mairies : acheminées vers des réservoirs, elles sont mises à disposition de nouveaux usages à grande échelle, sous gage d’une qualité suffisante. Dans les villes, elles profitent aux services de nettoyage et finissent dans les stations d’épuration où elles sont dépolluées et redeviennent, à terme, des eaux claires. Dans les régions industrielles, elles sont acheminées vers les usines les plus proches. Dans les régions agricoles, elles sont acheminées vers les champs.

Afin d’appliquer équitablement les restrictions, les foyers sont équipés de compteurs précis, mesurant la consommation d’eau du réseau, la récupération d’eaux usées et d’eaux de pluie. Ces nouveaux moyens de traçabilité permettent aux gens de piloter plus précisément leur consommation, mais aussi de détecter plus rapidement les fuites. Dans l’ancien, des études et révisions de fuites annuelles sont obligatoires.

Les fabricants de meubles et d’électroménager ont eux-aussi vécu un début de révolution en s’adaptant à ce besoin de gestion améliorée, sans sacrifier le confort des utilisateurs finaux : d’une part, tous les produits électroménagers doivent à présent indiquer, à côté de la note de consommation énergétique, la note de consommation en eau. De plus, les mobiliers de cuisine et salle de bains sont dorénavant conçus avec des vasques beaucoup plus petites mais plus nombreuses pour pouvoir effectuer une série de trempages, notamment pour la vaisselle. Ils sont adaptés au triple réseau de canalisations, ont deux entrées d’eau (eaux claires, eaux grises), ainsi que deux sorties d’eau (eaux grises, eaux sales) et aiguillent les différents flux d’eau en fonction du besoin en entrée, et de la qualité de l’eau en sortie, grâce à des capteurs qui mesurent la qualité de l’eau.

Pour palier préventivement les problèmes sanitaires, les autorités accélèrent les examens de qualité de l’eau des différents réseaux, où les produits chimiques de traitement des eaux ont progressivement laissé la place à des alternatives naturelles pour faciliter la réutilisation de l’eau ainsi que sa dépollution en aval. Par ailleurs, les habitants ont désormais accès gratuitement à un conseiller public spécialisé en gestion de l’eau pour les aider chaque année à optimiser leur consommation en les orientant vers des usages plus économes, en leur recommandant des outils à installer ou des travaux à faire dans leur domicile. Ce conseiller les aide même à aller plus loin : la modélisation des empreintes hydriques gagne en popularité auprès des habitants les plus engagés environnementalement, qui veulent aussi tenir compte de leur consommation d’eau indirecte dans leur bilan personnel, générée notamment par l’importation de biens produits à l’étranger : acheter un jeans correspond par exemple à un coût en eau de 10 000L, un avocat représente 1 000L, et une tablette de chocolat 3 400L.

Néanmoins, ces changements drastiques ne sont pas assez prohibitifs pour permettre l’adoption de comportements raisonnables par la majorité des consommateurs. Pour aller plus loin, le gouvernement a donc introduit une surtaxe de 20% appliquée à tous les biens hydrovores qui dépassent le quota défini par l’empreinte hydrique. Pour aider les consommateurs dans leur choix et leur permettre de comptabiliser les achats dans le passeport hydrique, tous les producteurs de biens de consommation doivent obligatoirement indiquer la consommation d’eau nécessaire à la production de leurs biens - au même titre que le prix, la matière et la provenance du produit. Les consommateurs sont ainsi devenus particulièrement vigilants à l’argument de vente faible en consommation d’eau, qui a forcé les fabricants de vêtements à faire évoluer leurs offres. Au risque de se faire boycotter par les consommateurs, elles ont aussi dû changer drastiquement de stratégie marketing.

Si l’eau est désormais perçue comme une denrée à la disponibilité restreinte, elle peut être donnée ou échangée localement : les litres d’eau non consommés peuvent être donnés à des consommateurs dans les environs, leur valeur peut aussi être échangée contre des subventions de l’Etat pour améliorer encore leur impact en finançant d’autre projets (isolation thermique, production d’électricité verte & autres travaux d’infrastructure, …). Les habitants aiment actionner ce mécanisme pour accélérer la transition de leur région vers des modèles de consommation plus raisonnables et participer à l’effort collectif de lutte contre le réchauffement climatique.

About damn time

En 2030, l’eau douce s’est fortement raréfiée : le gouvernement a mis en place un nouveau document officiel, le passeport hydrique, qui comptabilise en temps réel la consommation d’eau du domicile et l’impact hydrique des achats du foyer. Le calcul de l’empreinte hydrique est devenu obligatoire pour tous, et chaque foyer se voit attribuer un quota en fonction de sa typologie et de sa zone de résidence. En-deçà de ce quota, le prix de l’eau reste faible pour assurer les usages essentiels, mais une fois dépassé, son prix est multiplié par 100.

L’instauration de ce passeport hydrique a provoqué une remise en question profonde de la notion d’hygiène telle quelle était perçue en 2022, notamment en ce qui concerne la douche, les vêtements et la vaisselle : nous sommes devenus plus sobres. Ces nouveaux standards d’hygiène passent par des pratiques très simples : le nettoyage des vêtements est par exemple fait par aération, privilégiée au lavage, sauf en cas de tâche persistante.

Pour les usages non-essentiels et les usages de loisir, l’eau est devenue une denrée de luxe ; ces usages ne sont accessibles que pour une élite fortunée. En effet, seul les 5% les plus riches peuvent se permettre de se laver quotidiennement sur le modèle des années 2020, avec des douches d’environ 10 min, en acceptant de payer le prix fort de 30€/douche.

Partout, la seconde main, qui bénéficie d’un coût hydrique beaucoup plus faible, est devenue la norme. Pour les produits neufs, de nouveaux matériaux peu hydrovores avec des aspects et des textures nouveaux sont systématiquement utilisés. Dans l’alimentation, l’apparition des régimes hypohydriques, après les régimes végétarien et vegan, basés sur le choix des aliments avec le meilleur ratio hydratation/empreinte hydrique, ont bouleversé l’offre des géants de l’agroalimentaire.

De nouveaux modes de vie plus respectueux ont émergé et sont à présent incarnés par les célébrités, qui ont dû radicalement changer de posture après plusieurs scandales liés à la consommation d’eau excessive dans les années 2020 : l’inspiration japonaise prédomine dorénavant dans les salles de bain, quasiment toutes équipées d’un système de douche composé d’un bassin et d’un seau. Le but de cette nouvelle installation est de se laver avec le minimum d’eau nécessaire à l’aide du seau, puis de se baigner dans un bassin mutualisé dont l’eau se salit moins vite. IKEA et Leroy Merlin se sont emparés de cette tendance pour proposer des gammes allant du mass-market au luxe, que la majorité des gens ont fini par s’approprier. Dans les jardins, la pelouse anglaise est totalement passée de mode. Le jardin sec, avec une végétation adaptée aux conditions locales, est désormais incontournable.

En parallèle, les professionnels du BTP ont énormément innové ces dernières années pour faciliter les économies d’eau à l’échelle du foyer. La séparation des réseaux d’eau en fonction de leur usage et de leur degré de propreté, mis en place de manière très empirique à partir de 2025, a été facilitée : sur le neuf, les enseignes proposent désormais des systèmes de triple canalisation intégrés au bâtiment, en vases communicants (eaux claires, eaux grises, eaux sales), équipés d’appareils de filtration pour empêcher le développement des odeurs et des bactéries. De grandes enseignes de décoration ont repensé tout le mobilier volumineux comme les canapés, les îlots de cuisine, les escaliers comme stockeurs d’eau et proposent des colorants naturels pour rendre esthétique le stockage des eaux troubles visibles à l’échelle du foyer.

Avec la démocratisation de ces nouveaux modèles de stockage et de transfert d’eau, de nouveaux entrants ont créé un nouveau marché : celui des eaux secondaires. Comme pour l’électricité, il est désormais possible de réinjecter de l’eau dans le réseau. De nouvelles entreprises opèrent des services de collecte, de distribution et de stockage - mais surtout de revente. La concurrence entre ces nouveaux entrants s’est cristallisée autour de l’efficacité de leurs services, ce qui a encore permis de faire baisser notre consommation. L’adoption d’un comportement hypohydrique ultra-vertueux est même devenue une source de revenus pour les habitants.

Heat waves

En 2050, grâce aux efforts des habitants, des industriels, du secteur agricole et des moyens mis à disposition par l’Etat, la situation s’est améliorée dans les zones tempérées. Néanmoins, les efforts d’adaptation et de résilience n’ont pas suffi à réduire le risque de stress hydrique des régions sèches, où certaines villes sont devenues inhabitables.

Les régions les plus exposées au stress hydrique doivent à présent arbitrer entre les activités présentes sur leur territoire, notamment entre agriculture, industrie et agglomérations. Une partie de la population doit quitter les régions arides, entraînant une vague migratoire massive, et une forte tension sur les logements dans les régions d’accueil. De nouveaux foyers de population et les villes s’organisent purement autour de l’eau.

Break my soul

En réalité, ces scénarios de restriction d’eau sont loins d’être aussi éloignés du futur possible que nous imaginons. Dans les régions sèches, certains comportements font déjà partie du quotidien des classes moyennes (seaux d’eau dans les salles de bain, collecteurs d’eau de pluies sur le toit, …). Cet été, en Californie du Sud, les autorités ont non-seulement appelé les habitants à diminuer leur consommation d'eau de 50% et mais aussi franchi le pas de la mise en vigueur punitive du non-respect des restrictions : les contrevenants ont dû payer des amendes et subir une réduction brutale du débit d’eau, subvenant seulement aux besoins strictement nécessaires.

Nous devons nous préparer à des restrictions plus drastiques : des usages plus frugaux à la maison comme en entreprise, des consignes plus strictes du gouvernement, et surtout une évolution du statut de l’eau de “bien neutre” à un “bien rare et précieux".

Selon vous, comment notre usage de l’eau sera-t-il amené à évoluer dans les prochaines années ? Par ailleurs, nous vous proposons de relire deux grands classiques de la littérature à la lumière des pénuries actuelles :

  • Les raisins de la colère de John Steinbeck, pour suivre l’exil d’une famille américaine contrainte de quitter sa terre natale, l’Oklahoma, à cause de la sécheresse, pendant la Grande Dépression.

  • Si vous préférez la science fiction, le roman Dune de Frank Herbert se passe sur une planète désertique, Arrakis, où l’eau est si précieuse que chaque goutte d’eau y est recyclée.

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